vendredi 22 février 2013

NDDL : fronde à Radio France contre la publicité pro-aéroport

22 fév Pour enrayer la montée en puissance dans l’opinion des arguments des opposants à l’aéroport, les présidents des collectivités favorables au projet de transfert de l’aéroport de Nantes à Notre-Dame des Landes (Pays de Loire, Bretagne administrative, Nantes Metropole, Carene, Cap Atlantique, mairie de Nantes, CG44) ont décidé d’une campagne de publicité de 300.000€ qui devrait être diffusée par radio, affichage et voie de presse.
Logo_france_bleu_loire_oceanSeulement, cette campagne de propagande aéroportuaire commence à connaître ses premières difficultés. En effet, les journalistes de Radio France Bleu Loire Océan s’insurgent et ont envoyé une lettre au PDG de Radio-France, Jean-Luc Hees. Ils estiment que le spot publicitaire favorable à l’aéroport « porte atteinte à [leur] travail et [leur] crédibilité » et qu’ils risquent d’être perçus comme agents d’un média favorable à l’aéroport, et donc « d’en subir les conséquences sur le terrain » vis-à-vis des opposants.  Les journalistes titulaires assurent « ne cesser de faire vivre le débat […] ne cesser de respecter une stricte neutralité […] ne cesser de résister aux pressions » exercées de toutes parts sur eux et ne peuvent comprendre comment la direction puisse accepter le passage d’une telle campagne de publicité « sauf à considérer qu’elle vaut plus que [leur] travail ». Les journalistes craignent en outre que leur indépendance ne soit rognée comme pour leurs collègues de France 3 Pays de Loire, qui va être subventionnée à hauteur de 900.000€ sur trois ans par la région administrative, officiellement pour la « création de nouveaux programmes » et plus prosaïquement dans le but de maîtriser la communication sur des sujets aussi sensibles que peuvent l’être la réunification Bretonne ou l’aéroport de Notre-Dame des Landes.

Remise en cause de la neutralité du service public
Depuis hier, la fronde locale des journalistes de Radio France Bleu est soutenue par la CGT de Radio France, qui a envoyé une lettre très critique au président de Radio France. « Surprise » et « choquée » par la diffusion prochaine de ce spot publicitaire favorable à l’aéroport pendant une semaine, la CGT Radio France rappelle qu’au vu du sujet polémique, « il ne s’agit pas d’une campagne anodine » et qu’elle va « remettre en cause la neutralité que se doit de respecter le service public » et « ruiner la crédibilité » et les efforts des journalistes de la station.Par conséquent, la CGT de Radio France demande au président de la station « d’intervenir pour que la campagne ne soit pas diffusée », préférant un éventuel préjudice financier à l’atteinte à l’indépendance de la radio.

Projet d’Etat contre Etat de droit
Un panneau opposé à l'aéroport réalisé par les membres du comité citoyen de Blain.
Un panneau opposé à l’aéroport réalisé par les membres du comité citoyen de Blain.
Les vicissitudes de la campagne de publicité – et, au-delà, du projet d’aéroport – rappellent la difficulté de conduire des projets d’Etat dans le cadre d’un Etat de droit, si l’on part du principe, comme il est de coutume historique en France, que l’illégalité interne doit primer. En effet, le projet de transfert de l’aéroport de Nantes – qui était d’abord une « simple » opération d’urbanisme à l’échelle de la grande métropole de Nantes-Saint-Nazaire, est devenu aujourd’hui un projet d’aménagement du territoire d’intérêt national dont le porteur est aussi Premier Ministre. Difficile d’imaginer pire confusion des pouvoirs et meilleure couverture pour un enfumage caractérisé des citoyens et des investisseurs à la fois sur les prévisions de rentabilité  et de fréquentation de la nouvelle infrastructure, si elle est réalisée.L’on sait depuis des années que le projet d’aéroport est illégal en droit français depuis 2008, qu’il contrevient à trois directives européennes et qu’il risque de conduire la France à une condamnation par les instances judiciaires européennes. Qu’importe le droit, qu’importe les lois – y compris celles, européennes, que la France s’est engagée à respecter vis-à-vis des autres états de l’Union – puisque le Premier Ministre désire son aéroport.
Mais après s’être heurté à une mobilisation citoyenne de plus en plus forte puis au droit de l’environnement et de l’urbanisme, il se heurte maintenant aux principes généraux du service public. Ceux qui, justement, ont été théorisés dans les années 1920 par le professeur Rolland et qui ont pris force jurisprudentielle sous l’action du Conseil Constitutionnel et du Conseil d’Etat depuis les années 1950. Ainsi, depuis la décision du Conseil Constitutionnel duy 18 septembre 1986 (Liberté de communication), l’obligation de neutralité du service public (et de ses agents) est reconnue comme un principe fondamental, corollaire de celui de l’égalité dans son accès et devant son organisation.
Il apparaît donc probable que la campagne de publicité favorable à l’aéroport ne puisse dérouler légalement sur les médias du service public. Si, comme l’affirment les porteurs du projet, l’aéroport de Notre-Dame des Landes résulte d’une demande générale, c’est donc à ces citoyens favorables de passer sur les médias dont ils disposent la campagne de publicité favorable à l’aéroport. Rappelons qu’il existe une seule « association citoyenne » favorable au projet, l’ACIPRAN, dont les bureaux sont à la Chambre de Commerce et de l’Industrie de Loire-Atlantique. Contre près de 200 comités de lutte citoyens contre l’aéroport dont une dizaine en Loire-Atlantique et des milliers d’habitants du département mobilisés chaque jour contre le projet.

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